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Bruxelles contre la concurrence fiscale

Article publié par d’Lëtzebuerger Land le 18 août 2006.

La Commission vient de sanctionner le Luxembourg, le 19 juillet dernier, pour son régime fiscal préférentiel à l’égard des holdings. Convaincue qu’un tel «système fausse la concurrence et les échanges en modifiant le libre jeu de la concurrence», elle demande son abrogation d’ici à la fin de l’année.

La Commission vient de sanctionner le Luxembourg, le 19 juillet dernier, pour son régime fiscal préférentiel à l’égard des holdings. Convaincue qu’un tel «système fausse la concurrence et les échanges en modifiant le libre jeu de la concurrence», elle demande son abrogation d’ici à la fin de l’année. Mais cette idée qu’un régime fiscal allégé serait une menace pour la libre concurrence est inacceptable et Bruxelles aurait dû au contraire laisser jouer la concurrence fiscale entre Etats-membres.

Ce qui est au fond reproché au Luxembourg, c’est que des entreprises puissent y être exonérées d’impôt sur le revenu, alors que ce n’est pas le cas dans d’autres pays membres de l’UE. Un tel régime inciterait les entreprises à venir s’y installer aux dépens des Etats qui imposent plus ou moins lourdement les sociétés sur leur territoire. Bruxelles juge de surcroît qu’il s’agirait là d’une «aide d’Etat» et d’une «mesure fiscale dommageable», contraire aux règles européennes.

Mais faut-il harmoniser la fiscalité en Europe au nom de la libre concurrence, comme nous le suggère la Commission, et dont la décision est un pas important dans cette direction ? Rien n’est moins sûr.

Tout d’abord, la Commission a une conception bien étrange de la libre concurrence où l’absence de pression fiscale est définie comme une «aide d’Etat». Il est facile de comprendre que des subventions publiques aux entreprises – impliquant qu’on confisque des ressources à certains pour les donner à d’autres – doivent être considérées comme des aides contraires à la libre concurrence, mais comment le fait de ne pas prélever d’impôt peut-il être considéré sur le même pied d’égalité ?

Avec un régime fiscal allégé, l’Etat laisse en réalité les ressources à ceux qui les ont créées, sans que cela ne représente une aide. Le fait que quelqu’un ne vous fasse pas de «croche-patte» signifie-t-il pour autant qu’il vous aide à marcher ? De la même façon il est absurde de prétendre que si certaines entreprises ne paient pas d’impôt sur le revenu, elles seraient «aidées» par l’Etat. Et même si on considérait – en tordant le sens des mots – qu’il s’agirait effectivement d’aides, ces dernières seraient les seules « aides d’Etat » compatibles avec la libre concurrence, car respectueuses des droits de propriété. En effet, les pouvoirs publics ne font tout simplement qu’autoriser ceux qui ont créé des richesses à les garder en tant que légitimes propriétaires.

Ensuite, d’un point de vue économique, l’idée même d’un «impôt sur le revenu des entreprises» est une idée saugrenue. Les entreprises sont des entités juridiques qui représentent un «noeud» de contrats et il leur est impossible de subir effectivement le poids de l’impôt. Si l’impôt s’applique en théorie à l’entreprise, il est en réalité toujours payé par des individus, qu’ils soient actionnaires (par des dividendes amputés), consommateurs (par des prix plus élevés) ou même employés (par des rémunérations moins élevées que n’aurait été autrement le cas). L’impôt sur le revenu des entreprises pénalise en bout de ligne les processus de production de biens et de services et rend les entreprises moins compétitives. Vouloir abroger les régimes allégés concernant de tels impôts ne fait donc qu’aggraver la situation.

Enfin, dans cette logique d’harmonisation, la Commission sera inévitablement amenée à s’attaquer à d’autres régimes fiscaux, avantageux pour les entreprises européennes. En Estonie par exemple les bénéfices non distribués des sociétés – et pas seulement des holdings comme au Luxembourg –ne sont tout simplement pas imposés ! Pour quand alors l’abrogation du régime estonien qui a contribué au dynamisme économique de ce pays de l’Est ?

La poursuite des efforts d’harmonisation de Bruxelles aura pour conséquence inévitablement une pression fiscale plus importante pour tout le monde. Mais au lieu de pénaliser les grands groupes qui peuvent toujours aller s’installer en dehors de l’UE, elle sera surtout préjudiciable aux petites et moyennes entreprises qui n’auront pas les moyens d’échapper à la pression fiscale de leurs Etats et qui perdront pied face à leur concurrents hors UE.

Si la Commission voulait effectivement faire la promotion de la libre concurrence, elle aurait dû au contraire suggérer la généralisation partout en Europe du type de régime allégé présent au Luxembourg et en Estonie. Ou à défaut, elle aurait dû tout simplement laisser jouer la concurrence fiscale en Europe, car celle-ci reste un moyen sans équivalent d’inciter les Etats à baisser la pression fiscale pesant sur les entreprises européennes et leur compétitivité. C’est un moyen aussi pour avoir plus de prospérité économique..

Valentin Petkantchin, Institut économique Molinari

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