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Développement durable: fausse prescription face au pétrole

Article publié par l’Agefi le 19 juin 2006.

La semaine du développement durable a battu son plein en France du 29 mai au 4 juin, sous l’égide du ministère de l’écologie. Ces célébrations sont certainement l’occasion de réfléchir sur la signification du concept de développement durable et sur ses implications pratiques. Il fournit d’autant plus matière à réflexion qu’il est suffisamment large et flou pour englober toute activité humaine. Néanmoins, les récentes craintes relatives à la montée des prix du pétrole et au spectre de son épuisement, appellent à se focaliser sur un domaine particulier de ces activités : le problème de l’utilisation des ressources naturelles non-renouvelables. Le concept de développement durable peut-il nous aider à trouver des solutions ou simplement à bien appréhender le problème ? Rien n’est moins sûr.

La définition du développement durable faisant aujourd’hui autorité a été adoptée en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU. Le rapport Brundtland, du nom de la présidente de la commission à l’époque, indique que « Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. » Ne pas compromettre la satisfaction des besoins des générations futures implique bien sûr de conserver l’or noir.

La présomption est que les générations futures auront besoin de pétrole. Soit. Il semble alors que la poursuite d’un développement durable exige de la part de chacun, y compris des décideurs politiques, de restreindre la consommation énergétique dérivée du précieux combustible. Mais la consommation d’une ressource non-renouvelable laisse par définition son stock irrémédiablement diminué. Par conséquent, toute satisfaction de besoins présents impliquant une consommation de pétrole, ne serait-ce que d’un baril, diminue la consommation future possible. Et la préservation d’une quantité de pétrole au bénéfice de générations futures exclut nécessairement de répondre à certains « besoins du présent ».

En toute rigueur donc, le développement durable, pris dans sa plus stricte acception, est impossible avec des ressources non-renouvelables. On ne peut pas répondre aux besoins du présent sans « compromettre » ceux du futur et réciproquement. Cet état de fait ne dépend pas de facteurs institutionnels et n’est donc pas réformable.

Supposons néanmoins que les besoins futurs doivent être considérés comme prioritaires dans les décisions présentes quant à l’exploitation de la ressource, même si la définition du développement durable ne nous indique pas véritablement quels arbitrages devraient être poursuivis. Nous nous retrouvons alors face à un paradoxe que les prétendants à la défense des générations futures pourraient méditer. Si la génération présente s’abstenait purement et simplement d’utiliser du pétrole, la génération suivante ne verrait aucun de ses besoins en pétrole sacrifié par la notre. Sauf que le problème se poserait à nouveau pour cette génération future. Ne devrait-elle pas elle aussi s’abstenir d’exploiter les gisements de pétrole, au profit de la suivante ?

On en arrive donc à l’idée absurde selon laquelle une ressource dont l’usage est précieux pour tout le monde ne devrait jamais être utilisée par personne. A quand la semaine des idées sensées ?

Xavier Méra, chercheur associé à l’Institut économique Molinari

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