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General Electric et Honeywell: il faut laisser le marché décider!

Article publié par l’Agefi le 3 janvier 2006.

La Cour Européenne de première instance a entériné le 14 décembre 2005 la décision visant à interdire aux deux compagnies General Electric (GE) et Honeywell de fusionner. L’interdiction avait été décidée par la Commission Européenne en juillet 2001 sur la base qu’une telle fusion aurait créé une position dominante. Si Bruxelles peut certes se réjouir de cette décision, il n’en ai pas de même pour le consommateur dont on peut penser que l’intérêt n’a pas été sérieusement pris en compte.

Selon la Commission, la fusion aurait permis à GE-Honeywell de bénéficier d’une position dominante sur les marchés de l’électronique aérospatiale et sur celui des turboréacteurs de société et non-aérospatiale. La fusion aurait aussi renforcé la position dominante de GE dans le secteur des turboréacteurs destinés aux avions de ligne et régionaux. La cour de justice Européenne n’a pas jugé nécessaire de rejeter cette décision bien qu’elle l’ait elle même considérée pleine d’erreurs.

Quelles que soient ces erreurs, il me semble que la décision de la Commission aurait dû être rejetée pour une seule et unique raison, à savoir sa conception erronée de la concurrence. La Commission Européenne considère, en effet, que le marché doit être comparé à un idéal décrit par le modèle de la concurrence pure et parfaite.

Selon ce modèle, il n’y a de vraie concurrence que lorsqu’il y a de nombreux concurrents sur un marché et que chacun d’eux est de petite taille. La notion d’abus de position dominante résulte directement de cette description puisqu’une entreprise est susceptible d’abuser de sa position si sa part de marché est considérable.

Ce concept n’est cependant pas un critère rationnel pour les décisions de politique publique car la concurrence n’a que faire du nombre de concurrents sur un marché. Le défi de la politique concurrentielle n’est pas celui d’observer que plusieurs entrepreneurs fabriquent un même produit mais celui de ne pas empêcher l’entrée de nouveaux acteurs par des barrières légales.

Les entreprises décident de fusionner parce qu’elles espèrent ainsi améliorer leur efficacité. En l’absence de barrières légales, l’efficacité et le succès d’une société s’observent dans sa capacité à servir le consommateur. En sélectionnant ou non les produits réalisés par la nouvelle entreprise, le consommateur décidera si la fusion était valable. Une fusion ne peut tout à la fois subsister et nuire au consommateur que si des barrières légales empêchent les vues du consommateur de prévaloir. Dans un tel cas, la vraie réponse consiste à abolir ces barrières qui ont elles-mêmes permis la fusion.

La science économique nous enseigne que fort peu de propositions vraies peuvent être formulées lorsqu’on s’intéresse à la taille optimale d’une entreprise. Notamment, l’économie ne peut pas dire si une fusion sera plus efficace ou pas qu’une entreprise individuelle. Il s’ensuit qu’un modèle qui décide de la configuration du marché, est tout simplement erroné et qu’il ne saurait en aucun cas constituer un bon outil décisionnel.

En bloquant la plus grande fusion jamais envisagée, la Commission Européenne a nuit à la concurrence sur le marché de l’aviation et ce au nom d’un intérêt mal compris du consommateur. Il n’est pas dans le rôle d’une institution réglementaire d’orienter la façon dont le marché se structure mais dans celui du consommateur. Ce dernier récompensera par ses choix l’entreprise la plus efficace à ses yeux.

Cécile Philippe est directeur de l’Institut économique Molinari, Bruxelles.

Cécile Philippe

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